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 L'origine de l'Homme, sa nature, son essence
 

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23 juillet 2007 1 23 /07 /juillet /2007 13:14

En 1991, on découvrit un cadavre en train de décongeler dans un glacier de l'Ötzal, à la frontière alpine entre l'Italie et l'Autriche. Erica Simon, l'alpiniste qui le repéra le premier, jugea d'abord, à ses proportions délicates, qu'il s'agissait d'une femme, peut-être d'une malheureuse skieuse victime d'un accident lors d'une récente saison de ski. Mais, quand on dégagea le corps de la glace, il apparut clairement qu'il n'avait pas de seins, mais quelque chose qui ressemblait à des organes génitaux masculins. Les restes de ses vêtements et de son équipement étaient étrangement passés de mode, pour ne pas dire d'aucune mode. C'est alors qu'on commença à parler du cadavre de l'Homme des glaces, qu'on surnomma Ötzi.

 Les archéologues estiment que la mort d'Ötzi remonte à plus de cinq mille ans et qu'elle a eu lieu autour de l'an 3300 av. J. C., à la fin de l'âge de pierre ou du néolithique, quand les habitants d'Europe centrale commencèrent à travailler le métal. Il aurait été pris dans le blizzard alors qu'il tentait de passer d'une vallée à une autre en empruntant un col abrupt. Il emportait avec lui un grand nombre d'objets, dont une hache de cuivre et, peut-être, des talismans magiques. Son corps était bien conservé. D'après l'allure générale et l'étude minutieuse de la dentition, on pouvait en conclure qu'il avait entre vingt-cinq et quarante ans au moment de sa mort. Des tatouages étaient encore visibles de part et d'autre de sa colonne vertébrale ainsi que sur ses jambes. Mais ce qui tint vraiment le public en haleine, entre la découverte du cadavre et la publication des résultats de l'autopsie officielle, méticuleuse et soignée, ce fut le mystère de la sexualité d'Ötzi et le lien éventuel de celle-ci avec sa mort.

 

Le sexe d'ötzi

 

Si le scrotum de l'Homme des glaces avait été identifié dès la première étude anatomique, son pénis ne laissait pas d'intriguer ou, plus exactement, son absence apparente de pénis. D'étranges histoires commencèrent à circuler : certains disaient qu'il avait été dévoré par une bête sauvage ; d'autres, qu'il était tombé quand on avait dégagé le corps de la glace ; d'autres encore, qu'il avait été vendu - pour plusieurs centaines de milliers de dollars - à un particulier, grand collectionneur de sexes préhistoriques. On accusa même, tout bonnement, Konrad Spindler, le professeur qui dirigeait les recherches, de l'avoir volé. Selon une autre hypothèse, très appréciée de la presse à scandales, l'Homme des glaces aurait été pris en flagrant délit d'adultère et émasculé par le mari cocufié, avant de parvenir à s'échapper dans la montagne où il aurait péri de froid. On affirma aussi que le scrotum avait été soigneusement « raclé », ce qui nourrit l'idée farfelue qu'Ötzi était un prêtre castré venu du Proche-Orient où, pensait-on, il fallait sacrifier ses organes génitaux pour pouvoir officier dans les temples de la « Grande Déesse-Mère ».

 

Mais quand parut le rapport d'autopsie le plus complet, en 1993, on apprit que les organes génitaux de l'Homme des glaces étaient bien en place. Son pénis, qui n'était pas circoncis, et ses testicules étaient intacts. Simplement, le froid et la glace en avaient singulièrement réduit les dimensions.

 

Le bruit se répandit alors que le sac scrotal contenait encore du sperme utilisable - puisque rapidement congelé, comme dans une banque de sperme aujourd'hui. Un grand nombre d'Autrichiennes demandèrent aussitôt à pouvoir bénéficier d'une insémination artificielle et à porter l'enfant d'Ötzi. Parmi les raisons expliquant cette avalanche de demandes, outre l'attrait pour la nouveauté, le goût de la publicité ou la démence, mobiles fréquents de conduite humaine, pourrait figurer le désir de procréer avec un individu « racialement pur », issu du vieux fond alpin. Les techniques modernes permettent d'accéder à la demande de ces femmes, mais leur application poserait des problèmes éthiques. Comme on ne peut exclure qu'Ötzi ait eu des enfants de son vivant, certains des habitants des Alpes pourraient être ses descendants, deux cents générations plus tard. Et parmi les femmes souhaitant être inséminées, on compterait ainsi ses arrière-arrière-arrière... arrière-petites-filles. Qui sait, d'ailleurs, si toutes ne le sont pas ? Comme l'a fait remarquer le spécialiste d'anthropologie physique Torstein Sjovold, il suffit de remonter cinq mille ans en arrière pour que l'Homme des glaces devienne potentiellement 1'ancêtre de n'importe qui sur terre (même si, dans les faits, c'est quasi exclu par les schémas d'accouplement et les barrières géographiques).

 

Cette envie macabre - et peut-être incestueuse - de faire « revivre » l'Homme des glaces à travers son sperme prouve combien la reproduction sexuelle constitue pour l'homme un moyen de transcender sa déchéance matérielle et d'aspirer à l'immortalité. En lui-même aussi, le sexe comporte une dimension transcendante en ce qu'il ouvre la voie à une expérience qualitativement différente : l'extase.

 

 

Le plus ancien homosexuel connu ?

 

L'Homme des glaces a été doublement « récupéré », par les femmes qui y ont vu un donneur de sperme potentiel, et par les homosexuels qui en ont fait un modèle préhistorique. Selon le magazine viennois Lambda Nachrichten, on aurait retrouvé du sperme dans les testicules mais aussi dans le rectum d'Ötzi : « Ötzi est le premier homosexuel connu [...]. C'était un partenaire passif- cela ne fait aucun doute [...]. La datation du sperme a été faite au carbone [...]. » Cette histoire s'est rapidement propagée dans la presse et parmi les communautés homosexuelles des deux côtés de l'Atlantique. Elle a servi à établir que le mode de vie homosexuel avait un pédigree préhistorique respectable. Certains cercles d'archéologues britanniques ont proposé de voir dans l'étrange bric-à-brac, qui accompagnait le corps, le signe qu'Ötzi était un chaman et de faire de cette sexualité alternative une simple facette de son « particularisme » social. Mais, au bout du compte, cette histoire, tout comme celle du pénis disparu, n'était qu'une pure invention : on n'a jamais retrouvé de semence dans le rectum de l'Homme des glaces.

Ce n'est pas que les recherches aient été vaines. Non, on n'a tout simplement pas cherché de trace de sperme dans le rectum d'Ötzi. D'ailleurs, même si l'enquête avait constaté l'absence de sperme, il aurait été impossible d'en conclure que le rectum d'Ötzi n'en avait jamais contenu. Inversement, la présence de traces n'aurait pas permis d'établir qu'Ötzi était consentant, çt n'aurait rien prouvé quant à ses pratiques sexuelles - on peut avoir des expériences homosexuelles et être victime d'un viol homosexuel. (La nécrophilie n'est pas exclue, quoique l'hypothèse soit peu vraisemblable compte tenu des conditions de blizzard dans lesquelles la mort s'est produite.)

En fait, si on n'a pas cherché de sperme dans le rectum de l'Homme des glaces, c'est tout simplement parce que le rectum n'a pas été identifié. Selon Konrad Spindler, « la région anale du cadavre, jusqu'à la partie osseuse du bassin, avait été détruite par la première équipe [...] qui avait utilisé un burin. Aucun examen des tissus pelviens n'avait été effectué, aucun échantillon prélevé. La tomographie informatisée des organes internes du cadavre, très rétrécis par la déshydratation, n'a pas permis d'identifier le rectum. » De toute façon, même sans cette impossibilité de fait, on peut se demander si l'examen du rectum d'Ôtzi était prévu. Comme le dit Spindler, les « propos souvent absurdes des médias » les ont soumis, lui et ses collègues, à une très forte pression pendant les premiers mois qu'a duré l'autopsie du cadavre.

 

Dans son livre sur l'Homme des glaces, Spindler présente une analyse assez détaillée (mais sans aucune illustration) de la région génitale de l'Homme des glaces. L'auteur dit s'être senti obligé de procéder ainsi en raison des hypothèses farfelues avancées par la presse. En temps normal, il n'aurait pas été « nécessaire de s'attarder si longuement sur les parties les plus intimes du cadavre de l'Homme des glaces, écrit-il, mais les spéculations sauvages exigent, pour être réfutées, des faits scientifiquement avérés [...]. Pour nous, un homme du néolithique est un objet d'étude [...] mais nous sommes obligés de tenir compte des règles éthiques et morales propres à notre société. » Or le théologien jésuite Hans Rotter leur avait « demandé de faire preuve de piété, malgré l'intérêt scientifique du cas, et de respecter la dignité humaine de l'Homme des glaces par-delà sa mort ».

Si le point soulevé est important, le raisonnement dont il découle est confus. Spindler prétend que la sexualité de l'Homme des glaces est une affaire « privée », alors que personne ne peut l'affirmer. Même dans cette hypothèse, savons-nous quelles régions du corps étaient impliquées dans la sexualité d'Ötzi ? Dans certaines sociétés, la nuque et les pieds sont des parties sexuelles et intimes, et nous ignorons ce qu'Ötzi jugeait sexuel ou intime. Cela n'a d'ailleurs pas empêché l'équipe de Spindler de soumettre à toutes sortes d'examens la quasi-totalité du corps d'Ötzi et l'ensemble de ses affaires. Or qui peut dire s'il ne s'agissait pas d'objets sacrés ou même tabous ?

 

Extrait de « La préhistoire du sexe »
Timoty Taylor
Bayard Editions

 


+ d'infos sur Ötzi

Ötzi en images

 

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